"La civilisation démocratique est entièrement fondée sur l'exactitude de l'information. Si le citoyen n'est pas correctement informé, le vote ne veut rien dire." Jean-François Revel - Extrait d'un Entretien avec Pierre Assouline - Novembre 1988

mardi 30 juillet 2013

A peine nommé, le gouvernement bulgare est déstabilisé par une vague de manifestations

en Bulgarie des manifestations anti-gouvernement ont lieu depuis 46 jours, ce pays fait partie de l'UE depuis le 1er janvier 2007...



La Bulgarie connaît une crise politique et morale d'une gravité exceptionnelle. Depuis deux semaines, les manifestations quotidiennes se succèdent devant les lieux de pouvoir à Sofia, plus particulièrement l'enceinte du Parlement. Le 25 juin, les députés ont été empêchés de tenir séance. Ils étaient de toute façon moins d'une moitié à s'être présentés. La protestation a gagné des villes de province.


Les manifestants, qui dénoncent les moeurs des dirigeants politiques, exigent la tenue de nouvelles élections législatives anticipées dès cet automne.


Manifestation antigouvernementale, le 27 juin à Sofia.
Or les précédentes ont eu lieu le 12 mai. A leur issue, le Gerb, le parti de centredroit de l'ancien premier ministre Boïko Borissov, avait perdu le pouvoir, déstabilisé par une vague de manifestations sociales en février. La gauche a constitué un gouvernement dit "technique", dirigé par Plamen Orecharski. Mais de technique, celui-ci a vite basculé dans l'entreprise partisane. En cause, les nominations de personnalités à la moralité douteuse, dans une confusion, classique en Bulgarie, entre intérêts publics et privés.
Une promotion a mis en rage la population : celle de Delyan Peevski à la tête de l'agence de sécurité nationale, la DANS. Outre son mandat de député, auquel il a renoncé pour ce poste, cet homme de 32 ans est issu d'une famille exerçant une domination écrasante dans les médias, par ses chaînes, ses sites et ses journaux, dont les partis pris correspondent à ses calculs personnels. Il est issu du Mouvement pour les droits et les libertés, une formation représentant la minorité turque et musulmane, alliée indispensable des socialistes pour composerune majorité.

L'OPINION PUBLIQUE BULGARE APPROUVE LES MANIFESTATIONS

La candidature de M. Peevski a été approuvée par le Parlement le 14 juin, sans débat. Les députés du Gerb avaient choisi de quitter l'hémicycle en signe de protestation. "Peevski a considéré qu'il était si puissant qu'il pouvait sortir de l'ombre, explique le politologue Ivan Krastev. Les socialistes, eux, voulaient quelqu'un capable de détruire Borissov et le Gerb. C'est un peu comme si, en France, Tapie était nommé à la tête du Conseil constitutionnel." Ancien vice-ministre chargé des catastrophes et des situations d'urgence dans un précédent gouvernement socialiste, dont il fut renvoyé en 2007, M. Peevski avait été visé par une enquête pour corruption, abandonnée par la suite.
De façon écrasante, l'opinion publique bulgare approuve les manifestations, qui ont rassemblé jusqu'à 15 000 personnes. Selon un sondage d'Alpha Research, ils sont 85 % à s'opposer à la nomination de M. Peevski. Le soutien au gouvernement, à peine entré en fonctions, s'effondre à 23 %. Celui au Parlement, à 14 %. Le président bulgare, Rossen Plevneliev, s'est rangé très vite du côté du peuple, en saluant la "bonne nature démocratique" du mouvement.
Face à cette crise majeure, le gouvernement a décidé de retirer la direction de la DANS à Delyan Peevski, quatre jours à peine après sa confirmation. Mais l'exaspération populaire est si puissante que ce petit recul ne pouvait la contenter. La composition des manifestants est très différente des mouvements sociaux de février, qui étaient les plus importants depuis vingt ans, soulignent les observateurs. "C'était alors les campagnes qui s'étaient mobilisées, sur les questions sociales, rappelle Ivan KrastevCe qui les préoccupait n'était pas la politique, mais la hausse des prix. Là, nous sommes en présence des classes moyennes urbaines éduquées."

LES MANIFESTANTS POUR UN CHANGEMENT DE LA LOI ÉLECTORALE

Le 27 juin, le sulfureux dirigeant du parti nationaliste Ataka, Volen Siderov, a qualifié les manifestants de "hooligans", commettant des "actes de terreur". M. Siderov fait partie des nominations douteuses. Il a été désigné, grâce à la gauche, à la tête de la commission parlementaire d'éthique et de lutte contre la corruption. Une récompense pour son rôle dans la confirmation du gouvernement, qui, sans lui, ne recueillait que 120 voix sur 240.
Acculé, le leader des socialistes, Sergueï Stanichev, a fini par admettre la possibilité de nouvelles élections. "Si Ataka déclarait ne plus participer au travail du Parlement, cela changerait la situation en vue d'élections anticipées", a-t-il concédé. Les manifestants réclament au préalable un changement de la loi électorale, pour permettre aux petits partis d'entrer au Parlement. Toutefois, si des élections anticipées étaient fixées, un gouvernement intérimaire n'aurait pas les compétences pour changer la loi.

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