Le groupe parlementaire du Parti
populaire européen (PPE, droite), s’est réuni le 21 avril, avec
notamment à son ordre du jour les rapports avec la Russie. La séance
était présidée par un eurodéputé estonien, Tunne Kelam, ce qui était
déjà une manière de donner le ton. Le site spécialisé Euractiv s’est fait l’écho de cette rencontre.
M. Kelam a d’emblée affirmé sa
conviction : la Russie est désormais l’adversaire de l’UE, et a bien
l’intention de s’en prendre aux Pays baltes. Son collègue roumain
Cristian Dan Preda a enchéri : selon lui, le président russe poursuivra
sa marche à travers l’Ukraine et ne manquera pas d’annexer la
Transnistrie (Priednestrovie, région russophone de Moldavie qui a
proclamé son indépendance).
Mais cet avenir botté prédit par les
honorables europarlementaires n’était qu’un hors d’œuvre. Spécialiste
des relations internationales, l’Allemand Roland Freudenstein s’est
chargé de pimenter l’ambiance. Ancien chercheur auprès du gouvernement
fédéral, puis auprès des institutions communautaires, M. Freudenstein
est désormais directeur de recherches au Centre d’études européennes, à
Bruxelles, qui dépend du PPE. Fort de son expertise, il a d’emblée
asséné que l’objectif de Vladimir Poutine était de détruire l’UE et
l’OTAN, au moins moralement et politiquement. Pour l’anéantissement
militaire, le chercheur n’a pas encore de certitude.
Il a logiquement enchaîné en s’interrogeant : « sommes-nous prêts à entrer en guerre ? », et regretté que cette question n’ait jusqu’à présent pas été sérieusement examinée. «
Nous devons montrer clairement que oui, nous sommes prêts à entrer en
guerre pour sauvegarder les principes existentiels à l’avenir de
l’Europe », a-t-il clamé devant l’auditoire, dont une partie était
tout de même un peu médusée. Il a cependant concédé que cette
perspective était difficile à aborder publiquement.
Tentant sans doute de détendre quelque
peu l’atmosphère, l’orateur a alors mimé l’ambassadeur russe auprès de
l’UE pour moquer la diplomatie de Moscou, et n’a pas manqué de mettre
ainsi les rieurs de son côté. Redevenant sérieux, il a cité un de ses
ouvrages, publié par le Centre de recherche Martens (lié au PPE),
intitulé La Renaissance de l’Occident – un titre déjà
évocateur. Bref, sa conviction est faite, et il n’hésite pas à la
proclamer : le conflit entre Vladimir Poutine et l’Occident ne se
terminera que quand le dirigeant russe « quittera le Kremlin, de quelque manière que ce soit ».
De quelque manière que ce soit –
autrement dit, pas forcément à la fin de son mandat. L’analyse devrait
être rappelée aux dirigeants européens qui feignent régulièrement de
s’indigner quand le Kremlin les soupçonne de rêver ou d’encourager une «
révolution de couleur » à Moscou. Sur le modèle, par exemple, du Maïdan
ukrainien.
Et comme pour dissiper tout malentendu
d’interprétation, le vice-président du groupe PPE, Jacek Saryusz-Wolski,
a pour sa part tranquillement rappelé : « si nous gagnons avec l’Ukraine, nous gagnerons un jour avec la Russie. Si nous échouons avec l’Ukraine, Poutine gagnera ».
L’aveu est de taille : le Polonais
reconnaît le rôle de premier plan de l’UE dans le renversement de
l’ex-président ukrainien, Viktor Ianoukovitch ; et lève le voile sur les
visées ultimes que nourrissent certains ensuite.
Bref, a poursuivi l’influent eurodéputé, concernant la Russie, « le temps des négociations et de la persuasion est terminé ».
On imagine presque entendre, en fond musical : « marchons, marchons… ».
Ultime menace, plus diplomatique que militaire cette fois : « la
partie sud de l’UE ne parviendra pas à obtenir l’engagement des pays de
l’est de l’UE sur le sujet de l’immigration, qui est le thème du sommet
extraordinaire, si elle continue à ne pas comprendre, ou à ignorer, les
menaces existentielles auxquelles les pays de l’est font face ».
Traduction à l’attention de l’Italie ou
de la Grèce : acceptez de vous armer et de nous suivre dans la
confrontation avec la Russie, et on s’intéressera alors aux réfugiés qui
échouent sur vos côtes.
Il est dommage que les dirigeants
européens ne fassent que rarement preuve d’une telle franchise. Il est à
noter que des personnalités importantes participaient à la réunion,
comme l’influent président de la Commission des Affaires étrangères de
l’europarlement, l’Allemand Elmar Brok.
Or le PPE est la formation qui regroupe
ce que l’eurovocabulaire nomme le « centre-droit », c’est-à-dire
notamment la CDU d’Angela Merkel ou l’UMP de Nicolas Sarkozy.
On attend avec intérêt les réactions de ces deux là.
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